Et si on cultivait des semences tombées dans le domaine public ou sous licence « open source »?

Et si on cultivait des semences tombées dans le domaine public ou sous licence « open source »?

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Ndlr : La semence ne cesse pas d’évoluer. Les semences d’aujourd’hui ne ressemblent plus en rien à celles d’hier. Les grands semenciers investissent des fortunes, en milliards, dans la recherche et le développement des semences. Pour amortir ces recherches, la seule solution est le brevet. Comme l’agriculture est quelque chose de spécial, de plus lent que les autres industries, la durée du brevet a été portée à 26 ans, 30 ans pour les patates. Entre le moment de la découverte  et le moment de la mise sur le marché, il s’écoule plus de 20 ans. Entre le dépôt du brevet et l’acquisition du brevet, il s’écoule déjà plusieurs années. Ensuite, il faut diffuser la semence. Finalement, les chercheurs n’ont guère plus d’une dizaine d’années, quinze au plus, pour amortir la recherche. Le brevet est donc une étape incontournable de la recherche, sinon ils ne développeraient pas de bonnes semences.

Et, contrairement à ce qu’on peut lire partout, les « semences anciennes », ne sont pas des bonnes semences. A l’époque où elles étaient encore cultivées, le monde était peuplé d’à peine plus du tiers de la population mondiale actuelle et crevait de faim…y compris chez nous. Contrairement à ce qui est cru, s’il est vrai que la biodiversité à l’intérieur des espèces a fortement diminué, sur les étals des magasins, elle a explosé. Il y a encore 60 ans, l’étal d’un supermarché se composait au plus d’une vingtaine de cageots. Pour avoir plus de varietés, il fallait aller chez le primeur, qui en avait beaucoup plus. Mais c’étaient plusieurs variétés de carottes, plusieurs variétés de pommes, plusieurs varietés de tomates. La biodiversité était donc plus grande, mais la diversité était beaucoup plus faible qu’aujourd’hui, qui est pourtant source de santé. La biodiversité est source de qualité, la diversité est source de santé et d’espérance de vie. Nous avons donc besoin de semences qui respectent les conditions du catalogue, qui sont des conditions élémentaires pour la grande culture. Les semences anciennes sont sorties du catalogue tout simplement parce qu’elles ne les respectaient plus.

En revanche, il existe plusieurs catalogues : — Il y a celui dédié à l’agriculture nourricière, destiné à la grande culture, où là il s’agit d’avoir le plus de production possible, le plus régulièrement possible, aussi uniformisée que possible pour faciliter la logistique en aval et avoir ainsi une culture aussi prédictible que possible. — Il y a le catalogue de la biodiversité. Il permet aux cultures de plus petites tailles de proposer des légumes très variés, son choix est vaste avec plus de 7000 variétés. Certaines sont anciennes, d’autres pas. — Il y a aussi le catalogue de « conservation », où sont enregistrées les semences dites « anciennes ». Elles ne sont plus aptes à nourrir la population, mais pour régaler les papilles, il n’y a pas mieux. En tout, les catalogues ressencent plus de 19’000 varietés, il y a de quoi faire. Et si vous êtes un particulier qui cultive son jardin avec passion, vous êtes libre de faire ce que vous voulez. Vous pouvez croiser, troquer, distribuer votre production, tant que ça reste à l’échelle d’un bricoleur (mais ça peut aller loin, on parle d’une production légumière de 250kg/mois).

Le problème est que si les semences sous brevet sont intéressantes pour la culture hyperindustrielle, l’agriculture paysanne de petite taille n’a pas à être confrontée à ce monde complexe, ingénierie, c’est un modèle qui ne lui correspond bien évidemment pas. De pouvoir simplement cultiver quand on est un petit paysan est une mesure de simplification évidente. Mais de breveter le vivant est bien évidemment à la base même, l’essence, de notre développement et du nourrissage de masse de la population. Plus d’ailleurs aujourd’hui, où la ressource s’épuise et où les plantes devront bientôt produire la même chose mais avec moins de pesticides, qu’hier, où les sols n’étaient pas érodés. Et l’intérêt du brevet est que, d’une part, il incite à l’invention, puisqu’il permet de se rembourser par l’exploitation exclusive de la découverte. Mais il incite aussi à l’innovation, puisqu’une fois dans le domaine public, n’importe qui peut breveter sur le brevet moyennant une avancée considérable et, surtout, et c’est là que c’est intéressant, tout et n’importe qui peut exploiter tel quel l’objet pour son propre usage. Autrement dit, les petits paysans, grâce à ce concept, peuvent cultiver ce qui était le top qualité de la culture une quinzaine d’années auparavant, ce qui reste donc parfaitement crédible d’un point de vue agricole, mais sans être soumis à la contrainte du monde complexe de l’ingénierie agro-alimentaire méga-industrielle. Ce projet génial vise à ce que tout le monde participe pour référencer les produits tombés dans le domaine public qu’il connaît afin de pouvoir les lister et les distribuer et créer un monde agricole produisant de la qualité, mais existant en marge du système industriel et mieux adapté à une exploitation à taille humaine.

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